Michelle

Je suis (ou plutôt j’étais) aquaphobe depuis toujours. 
Cela ne me dérangeait pas outre mesure mais, bien entendu, il était hors de question que je mette un pied dans l'eau
où que ce soit (piscines privées, publiques ou thermes…). 

A soixante ans, j'ai enfin pris conscience que c’était quand même désolant de me priver des joies que l'eau semblait prodiguer
à mon mari ainsi qu'à mes amies qui venaient toutes de s'inscrire dans un club de sport proposant des séances ludiques et revigorantes d'aquagym. Je venais d'être en retraite, j’allais donc avoir beaucoup de temps libre.
En discutant avec une personne fréquentant assidûment la piscine municipale, j'appris qu'elle-même avait été initiée par un maître nageur qui, avec patience et savoir-faire, lui avait permis de surmonter son aquaphobie alors qu'elle avait déjà un ‘’certain âge’’. 
Quelques jours plus tard, elle me communiqua les coordonnées de Frédéric ;  en rentrant à la maison, je déposai soigneusement la carte de visite de ce dernier bien en évidence sur mon bureau, elle me narguait et me titillait car j'étais partagée entre mes terribles appréhensions et  l'envie de découvrir ce monde inconnu qu'était l'eau en liberté !
Enfin, au bout de trois mois environ, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai téléphoné à Frédéric. Celui-ci  m’a donné rendez-vous pour une première rencontre d'évaluation la semaine suivante. Tout espoir n'était pas perdu mais j'imagine que mon cas ne devait pas être simple à résoudre pour un maître nageur car aider une sexagénaire à vaincre des peurs ancestrales ne devait pas être chose aisée ! 

Ce fut alors le début d’un parcours angoissant et drôle à la fois, mais cela je ne le savais pas encore. 

Chaque fois que je devais partir pour prendre une leçon, j’étais pétrie d’angoisse. J’y pensais au minimum deux heures avant de quitter la maison ; en fait, cela me gâchait toute mon après-midi.

Rapidement, des difficultés (que je trouve aujourd’hui mineures) sont apparues. En effet, entre théorie et pratique, il y avait tout un monde et bien que comprenant les explications de Frédéric, je n’arrivais pas toujours à les mettre en application. Je n'appréciais pas non plus particulièrement le fait de me retrouver barbotant accrochée à une frite au milieu de la piscine. Le savoir-faire et la patience de Frédéric parvenaient pourtant à me faire progresser par petits paliers mais j'étais trop impatiente et, une fois sur deux, je rentrais complètement démoralisée à la maison persuadée que l'eau et moi étions vraiment incompatibles !. 

Et puis vint le jour où il a bien fallu aller dans le grand bassin, j’étais tétanisée car ma plus grande hantise était ne pas avoir pied. 
Curieusement cela s’est relativement bien passé grâce au dos crawlé, une nage choisie par Frédéric qui m'évitait de voir le fond de la piscine. 
Ce fut une autre paire de manches lorsqu'il fut question de passer à la brasse car systématiquement je me bloquais arrivée à la limite du petit bassin et du grand. J’avais l’impression que cet obstacle était décidément infranchissable et je n'arrivais pas à contrôler ma peur.
A la douzième leçon, j’avais pris la décision de tout arrêter car j’estimais que je ne progressais pas assez rapidement et je m’étais mis dans la tête que je n’y arriverais jamais !. 

Je suis restée un mois sans prendre de leçon à me demander ce que je pourrais bien invoquer comme excuse auprès de Frédéric pour expliquer mon retrait. Lorsque ce dernier m’a rappelé pour savoir quand nous allions poursuivre mon apprentissage, je n’ai pas osé lui répondre par la négative et j’ai repris le chemin de la piscine mais sans grande illusion ni gaîté de cœur… !! 

Pourtant, la persévérance et surtout le fait d'être stimulée par Frédéric ont fini par payer car, à chaque nouvelle leçon, mes mouvements s’amélioraient, ma peur diminuait peu à peu et je me sentais de plus en plus à l’aise dans l’eau.

Lorsque je repense à mon apprentissage (ce qui m’arrive souvent) des images me reviennent et je ne peux m’empêcher de sourire car certaines situations que je provoquais involontairement devaient réellement être cocasses comme le jour où, en dos crawlé, je suis plusieurs fois, passée d'un couloir à l'autre, complètement empêtrée autour du cordage de séparation... ! C'est une image qui me restera mais, par contre, je me souviens ne pas avoir paniqué.

Depuis plus d'un an, je suis devenue une inconditionnelle de la piscine. J’y vais régulièrement deux à trois fois par semaine et je fréquente les thermes en Allemagne où je peux rester une après-midi entière dans l’eau , ce qui je le répète était totalement impensable auparavant.

Voyons les choses du bon côté ; finalement, je n'ai perdu qu'une cinquantaine d'années... !!

Un grand merci à Frédéric en attendant qu'il m'apprenne à plonger du dix mètres !!

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